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Journées du Patrimoine et participation bénévole
L’élément le plus marquant de cette initiative est, à mes yeux, la participation bénévole de tous à la remise en marche du four de l’Hermitage. [1] Mr Bureau a, par exemple, aimablement imprimé les prospectus sans par trop grèver les budgets des Services Culturels de la Mairie. Les Moulins de Chars, de leur coté, ont donné quelques sacs de farine à Mr J. Valadon qui a mis à disposition la pâte nécessaire. Sur place, Ph Doucet et J-G Pannet ont copié les anciens outils (rouable, plaque de four) tandis que la pelle et le "fanion de la boulange " étaient fournis par Mr Clair qui faisait profiter l’Hermitage de son expérience du Château de Villarceaux. Pour la restauration de la sole, Mr Holé a fourni la glaise réfractaire extraite d’un filon du 2ème sous sol d’une cave de la rue des Balais tandis que Mr de Wolbock sous l’impulsion de Mme Malherbe a proposé les arbustes [2] pour masquer la laideur des poutres IPN. Les 2 stères de bois brulé pour leur part sont de provenance diverse : les grosses bûches à fendre étaient encore récemment de beaux arbres de Pontoise abattus par la Ville. Le petit bois par la générosité de Mr Arcival a transité du bas vers le haut de l’Hermitage où le four renaît de ses cendres. Seul le ciment réfractaire servant à l’assemblage des briques récupérées sur mon propre four a exigé une modeste somme de même que le manche d’une hache cassée dès le premier jour. [3] Même la pâleur des abords du four en l’absence des couleurs de vraies fleurs a été reverdie sans bourse délier par les soins de Mr P. Renevey couvrant de lierre [4] l’emplacement non fleuri. Juste en face du four, Mr Albanese d’un simple tuyau d’arrosage de jardin installait un poste à incendie de fortune pour les premières montées en température en attente de l’extincteur de la Mairie le samedi à 14 h. De même, une simple rallonge à partir de la maison de Mme Hérin fournissait l’électricité au meuble réfrigérant amené par Mr Foubert. A l’arrière du front du four, l’intendance suivait conformément aux voeux de Mr Clair : sans coups férir, les époux Dahgren ouvraient leur table pour le repas du dimanche [5] pendant la pause bien méritée de midi. Les pieds des ouvriers du week end pouvaient s’y glisser sans peine. De leur coté, les jeunes Doucet et Dahlgren proposaient leurs services en essayant de pointer ou de photographier les visiteurs pour relever les adultes occupés ailleurs. Quant aux invitations des gens du quartier, faire ralentir les voitures était un jeu d’enfant pour quiconque osait tendre un prospectus aux vitres qui se baissaient au passage.
L’attitude participative était couronnée par l’offre de cuire de la pizza après les dernières fournées.
[6].
Pour cela, une dernière poignée de bois était jetée dans le four très chaud pour cuire à côté du brasier les pizzas sur des plaques de fours ménagers. Le fond de pizza était préparé par Mr Clair alors que les garnitures étaient apportées par les habitants du quartier.
Dans ces conditions, le budget d’une telle initiative, en terme de monnaie sonnante et trébuchante est extrèmement bas. La participation des habitants intéressés est, en revanche, très élevée. Il est vrai que cette année, l’ accent mis sur la cuisson du pain a quelque peu estompé les autres thèmes moins populaires, voire en termes mercantiles, moins porteurs hantant la croisée de la Sente d’Auvers [7] et de la rue du Haut-de-l’Hermitage [8]. Par économie de moyens, le pain sans Croix pattée comme au Château de Villarceaux convenait parfaitement à la dégustation sur place sans être vendu. A l’avenir, le pain gratuit, pourra peut être servir d’appât pour tirer vers les thèmes de l’Impressionnisme et de l’Habitat paléoprolétaire les curieux du Quartier ?
Un succès malgré quelques incertitudes
Les essais préliminaires de réutilisation du four après de nombreuses années d’inactivité ne levaient pas totalement les incertitudes pour les Journées du Patrimoine 2009. Si les craintes de Mr Clair de voir s’effondrer la voute ne se sont pas réalisées, la sole restaurée, malgré des premiers tests concluants, donnait, à l’usage, des signes de faiblesse. Les odeurs de fumée, d’autre part, dans la salle bain de la demeure semi-troglodytique attenante au four ont pu être diminuées sans être supprimées totalement, l’étanchéïté du calfeutrage des parpaings du haut du four étant insuffisante. Les fissures dans la falaise par où ces fumées passent pourraient être cartographiées en même temps que le conduit de la cheminée actuellement bouchée.
Mr Clair et Mme Callandreau, d’autre part, en réunion préparatoire à la Mairie étaient tombés d’accord sur un nombre de visiteurs de 200 pour les 2 journées en relation avec la centaine de visiteurs de l’an dernier pour la journée autorisée. Or, les estimations du nombre de visites réelles vont de 800 à 1000 pour les 2 journées selon les sources, visiteurs dus pour une bonne part à la bonne signalisation des Services Culturels et à la participation des journaux locaux.
[9]
C’ est dire que, sur le terrain, une part d’improvisation a été nécessaire. Si l’intervention des services sanitaire d’urgence de la Mairie n’est pas à déploré, la sécurité de l’entreprise était réduite à un extincteur [10] et à un tuyau d’arrosage branché en permanence par Mr Albanese [11]. Il est vrai que les Services Techniques [12] depuis la pose de la grille retenant les pierres tombant dans la cheminée pour les Journées 2008 avaient sécurisé la falaise après les chutes de roches de ce printemps. [13]. Dans ces conditions, la combustion des pneus de la brouette recueillant les braises a pu être rapidement maitrisée, sans l’intervention des pompiers, en particulier grâce à l’odeur facilement reconnaissable du caoutchouc tranchant sur celle du pain sortant du four.
Des avancées significatives pour l’histoire de l’Hermitage
Si le conducteur [14] de la pelleteuse [15] ayant épargné le four lors de la construction du parking voici bien des années a pu être salué, resté anonyme, il n’ a pas été possible de le remercier comme il se doit. [16]
En revanche, le dernier habitant troglodyte a pu être identifié. Selon toute probabilité, il figure sur la carte postale du début du XXème siècle représentant la maison derrière l’échelle de meunier qui abritait le four remis en marche cette année. Au passage, on remarquera que la demeure troglodytique possèdait également un four dont la cheminée est encore visible de nos jours sinon intacte.
Garde-champêtre de son métier, il aurait habité la carrière jusque dans les années 1948-1950 et racontait à qui voulait l’entendre qu’il se souvenait du percement de la rue du Haut-de-l’Hermitage en 1878. [17]
Dans le même ordre d’idée, de vieux habitants de l’Hermitage avec lesquels j’avais déjà renoués l’an passé, de retour cette année, ont accepté que leurs noms et adresses soient communiqués à Mme Lhomel de l’ Arpe au Conseil Général du Val d’Oise. Leurs souvenirs, il va sans dire, dans une région à tradition essentiellement orale, sont une source inestimable pour l’histoire du Quartier. Sans que les enregistrements déjà effectués aient fait l’objet d’un projet bien défini, il est important pour un quartier de Pontoise constamment oublié - comme l’omission de l’invitation à la réunion de coordination des Journées du Patrimoine du 10 septembre à la Salle du Conseil de la Mairie ou l’inscription du four de l’Hermitage sur la liste des participants - que de tels enregistrement aient lieu. Or, il faut bien l’avouer, l’ouverture des intéressés à la bienveillance des autorités n’est pas des plus grandes. A force d’être oubliés, -petites-gens haussés pour un temps à la dignité de la "France d’en-bas" - ils oublient, de toute évidence, ceux qui les ignorent ou qui exercent sur eux la violence légitime étatique.
La nomination de la Ville de Pontoise au titre de Ville d’art et d’histoire devrait, pour un temps encore, offrir des ressources suffisantes à la mise en valeur des trésors (encore) cachés de Pontoise. En tous cas, cette remise en marche d’un four, pour local et insignifiant qu’il soit, pourrait aider les responsables à justifier les attributions de ressources actuelles - et qui sait ? - en assurer le renouvellement à l’avenir.
Derrière la facade de l’Impressionnisme
Le Quartier de l’Hermitage depuis bien des années n’a été considéré que sous l’ angle de l’Impressionnisme grâce aux peintres comme C. Pissarro ou ses élèves P. Cézanne, A Guillaumin ou même son ami proche L Piette. Mais, faut-il le remarquer, le Musée Pissarro n’a pas été construit à l’ Hermitage. La ville haute s’est naturellement emparée de cette parcelle d´éternité laissant en place les gens et les paysages qui ont servi de modèles aux peintres. Si donc, l’impressionnisme peut servir de vitrine au Quartier de l’ Hermitage, il serait bien ingrat de passer sous silence les lieux et les habitants auxquels l’impressionnisme doit tant.
Dans cet état d’esprit, l’étude puis la restauration des fours à pain de l’Hermitage prend tout son sens. Même si l’on s’en tient à assimiler le Quartier de l’Hermitage à l’Impressionnisme, on ne peut comprendre ce mouvement artistique si l’on oublie l’activité viti-vinicole aujourd hui disparue. Or, dans chaque maison - ou presque - de l’Hermitage, on trouve un four domestique dans lequel chaque vigneron, bien loin des boulangers de la ville, cuisait son pain. On peut même se demander si le bois de chauffe n’était pas tout simplement des sarments pour une part !
Restaurer puis remettre en marche les fours de l’ Hermitage n’est pas seulement une manière d’évoquer le passé par un romantisme superficiel. C’ est arracher les pratiques culturelles à leur présentation sous vitrine dans des musées comme celui des Arts et Traditions populaires aujourd hui déserté [18]. Ces pratiques d’aménagement de la vie sociale, distinctes d’autres activités culturelles comme l’Opéra (également appelées "culture " sont visibles en Scandinavie comme à Skansen (Stockholm) ou Folkemuseum (Oslo) sans pour autant être réduites à un folklore distrayant. Dans ces musées, les habitants eux-mêmes montrent les pratiques culturelles à un public nombreux et enthousiaste. La culture populaire [19] - et non pas de l’élite - est alors connue hors du contexte violent dans lequel généralement elle se manifeste. Quelques jours par an, elle montre dans la réalité sociale ses ressources participatives même ponctuelles.
La réparation de la sole
Les premiers essais de réparation de la sole à l’aide de la glaise fournie par Mr Holé nous encouragent, Mr Pannet et moi, le 7 septembre, à améliorer les autres parties
La même glaise que la précédente est extraite rue des Balais au second sous sol d’une cave privée.
Mais "le mieux est l’ennemi du bien" ! les 3 seaux de terre déversés seront bien décevants : même après séchage, la sole reste craquelée. Pour les briques du devant améliorant l’étanchéïté de la porte, du ciment réfractaire, sera utilisé le 10 septembre avec plus de succès.
Avec les braises, avant la cuisson, bien des morceaux de glaise cuite seront évacués.
Le calfeutrage du four
La montée en température
Le bois [20] stocké non loin de là est acheminé sur le site.
Les bûches très grosses [21] sont fendues à la hache. Le manche vermoulu de la hache [22] cède et doit être remplacée par celle de Gaby.
Du papier journal mis dans un cageot enflamme le petit bois.
Mercredi 16 sept
Mr Clair recommande 2 chauffes le mercredi de 10h à 11 h puis de 17h à 20 h pour combattre l’humidité due à la glaise de la sole.
Les fumées varient en quantité et qualité. Leur odeur également révèle la qualité du bois utilisé. Pour la montée en température, du bois "ordinaire" a été utilisé dont l’odeur de la fumée a révélé la provenance.
Jeudi et vendredi
Trois chauffes quotidiennes amènent progressivement l’intérieur du four à température désirée de 300 à 500 C. Le thermomètre à laser de Mr Clair n’indiquait pas de températures au delà de 200 C. On peut sentir la chaleur accumulée par les briques le long des parois du four. Cette chaleur peut-être estimée à 50-60 degrés bien que la mesure de la température au jugé puisse être grandement améliorée par l’emploi d’un thermomètre adéquat.
Comme prévu avec Mr Clair, le four à été chauffé jusque vers 21 h, une occasion de le voir sous un jour assez particulier.
La cuisson du samedi 19
Au petit matin, devant le four vers 7h avant que Foubert ou Clair n’arrivent, une montée en température est prévue avant la cuisson. Une fois chaud, en effet, le four n’a besoin pour les fournées proprement dites que d’ une chauffe intermédiaire.
Le matériel est acheminé par les soins de Mr Foubert avec sa remorque. Le "parisien" de Mr Clair n’ est pas de la dernière mode mais montre bien les toiles huilées dans lesquelles les pâtons seront enveloppés pour ne pas coller et laissés reposé 1h 30 environ.
D’ordinaire la fermentation se déroule en deux étapes :
1 - La première fermentation, ou pointage, a lieu en masse, de la fin du pétrissage jusqu’au façonnage des pâtons (environ 1 h)
2 - La deuxième fermentation, ou apprêt, va du façonnage à la mise au four des pâtons. Elle a lieu en pâton qui lève par la production du gaz carbonique.
Un parasol [23] est nécessaire pour éviter une fermentation indésirée. Les pâtons de 550 g ou 850g sont pesés à la balance robertval
La pâte est alors prête à être enfournée : sur les braises du feu précédent, le petit bois prend vite.
C’est la "chauffe intermédiaire" qui permet, à partir d’un four déjà chaud, autant de fournées que désirées. Sous la voûte blanche, le feu est alors alimenté au jugé au fur et à mesure pendant 1 h environ.
Mr Pannet utilise son rouable pour racler les braises.
Les braises sont évacuées dans un charriot sans surcharger le cendrier du four.
Malheureusement la chaleur dégagée par les braises est suffisante pour faire fondre le caoutchouc des roues de la brouette de jardin. Pour calmer le jeu, de l’eau est déversée en quantité.
La sole est nettoyée au balai.
Le "fannion de la boulange" est passé sur la sole avant l enfournement.
On remarquera Mr Clair portant à la bouche l’outil de scarification qui est "la signature du boulanger" Mr Pannet en arrière-plan éclaire la sole pour une disposition judicieuse des pâtons dans le four.
Les pâtons prêts à être enfournés.
Mr Clair tient une petite planchette à la main, une fois le four fermé.
La longueur de la pelle est ajustée à l’ exiguïté de l’espace derrière le four. Sur la pelle, un poignée de farine facilite le glissement du pâton sur la sole. Des années de pratiques donnent au boulanger le "coup de main" pour disposer les pâtons selon un plan adapté au four.
Sans doute Mr Arcival invoque-t-il le ciel de la pointe de son couteau ! Une blague racontait " Tout ce qui tombe du ciel est béni " ! Le pain du même métal tomberait-il du ciel ? Evidemment non puisqu’il sort du four !
Quand le boulanger "mange son pain blanc" pendant la pause déjeuner, un moment d’accalmie laisse le site un peu en paix sur le coup de midi. A 14 h, la dégustation est annoncée : dans toute l’après-midi du samedi, 272 visites seront pointées. Ce chiffre, au contraire du pain, est à prendre avec des pincettes à cause des imprécisions inhérentes à la méthode de comptage dans la foule.
Une proposition de pizza
Sur le soir, une pizza est proposée après environ 3 fournées produisant plus de 60 boules de pain. [24] Une fois chaud, le four accueille cette proposition sans broncher.
Malgré la longue journée, Mr Clair relève le défi. La pizza sur sa plaque est déposée à coté d’un feu de bois. La chaleur du four accumulée fait le reste.
et la journée s’achève sur une pizza tout feu tout flamme.
La cuisson du dimanche 20
Le pain d’abord
Tôt le matin, un meuble réfrigérant est amené sur le site et la pâte [25] s’y dépose sans peine. L’électricité est amenée de la demeure semi-troglodytique voisine [26] par une rallonge ordinaire.
La pâte à pain étant prête et le feu mis en route, Mr Clair pense déjà à la pizza du soir.
La farine est pesée
puis l’eau
puis l’huile d’olive (évidemment, c’est Mr Clair qui sait doser les ingrédients)
enfin Mr Pannet ajoute son petit sachet
Si Mr Clair sait pétrir les miches, il sait également préparer les pizzas.
Sinon après chaque chauffe intermédiaire, la sole est soigneusement balayée
La porte soigneusement fermée
Et chaque fournée apporte sa ration de pain à déguster
On remarquera le résultat des techniques modernes de boulangerie ( table réfrigérée, préfabrication de la pâte etc ) et des méthodes archaïques de chauffage au bois du four de l’Hermitage. Le pain, à partir de la farine du Vexin, dont le goût pour une grande part dépend du savoir-faire du boulanger, porte ainsi la trace de la modernité. Econome en énergies non renouvelables, - froment, farine et pain sont fabriqués dans le Vexin - le goût d’un pain régional n’en attire pas moins de nombreux visiteurs.
Des documents (brochure, dépliant, textes reliés) mis à dispositions des participants les aident à faire face à l’affluence de quelques 800 à 1000 personnes ay.
La brochure " Laissez-vous conter Pontoise " permet aux visiteurs d’avoir une vue d’ensemble sur les différentes animations offertes par la Mairie de Pontoise. Les trois thèmes de l’an dernier : Impressionnisme, Habitations troglodytiques et Activité viti-vinicole (dont le four à pain n’est qu’un vestige) sont présentés sous forme de publications. Sans plan pré-établi, la curiosité de chacun et chacune est mise à contribution. Appartenir au Quartier est une qualification suffisante pour en faire partager le charme aux visiteurs [27] par un commentaire voisin du témoignage. Seules quelques précisions sont apportées aux visiteurs désireux de se laisser guider par un savoir plus élaboré. Les éléments documentaires rassemblés au cours des années passées sur l’habitat troglodytique ou l’Impressionnisme sont alors mis à contribution. On escompte de cette manière avoir sur le temps des habitants pouvant répondre eux-mêmes de l’histoire de leur quartier et capable de faire partager leur enthousiasme à déchiffrer les vestiges du passé lointain ou récent. Cette école de et dans la rue, nécessaire après les déclarations de certains habitants du quartier l’année dernière de passer tous les jours devant le four sans même le remarquer pourra à l’avenir facilement informatisée si le besoin s’en faisait sentir. Un macon, par exemple, équipé d’un ordinateur portable pourrait ainsi donner un cours magistral à l’Hermitage.
La pizza pour finir
La pizza réussie le samedi invitait à réitérer l’opération le dimanche une fois les visiteurs partis.
Pour quelques heures, le parking devenait salle à manger !
Après la fête