La maison du four à pain
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Journées Européennes du Patrimoine 2022

vendredi 11 novembre 2022, par Jean-francois Doucet

Le patrimoine : de nombreuses traces d’activité humaine

L’activité humaine en adaptant son environnement à son mode de vie laisse des traces qui, d’années en années, constituent un patrimoine. Châteaux et cathédrales sont les traces les plus visibles. Mais il en existe d’autres comme les savoir-faire ou l’habitat troglodytique, les uns parce que pratique empirique ou les autres parce que souterrain. Ces patrimoines sont en général le signe tangible qu’un autre monde est possible ou que la réussite du passé peut se reproduire dans le futur à condition que les ressources soient pérennes.
L’époque moderne s’est satisfaite de considérer comme illimitées les ressources offertes par la planète. Le post-modernisme en revanche doit maintenant tenir compte des nuisances provoquées par le développement (même durable). Du néolithique à nos jours, la rage des hommes à soumettre la Nature à leurs besoins risque cependant de ne pas s’apaiser de si tôt. Ils ont acquis un bien commun, la terre elle-même comme si un monde meilleur n’était plus objet de croyance.

Le patrimoine durable était éphémère

Depuis un bout de temps déjà, le développement [1]occidental aspirait à durer éternellement. A cette époque, les ressources, tous comptes faits, étaient pour beaucoup illimitées. Tant et si bien que le dit développement se permettait de dépasser les bornes. Il passait d’ici et maintenant à l’infini des croyances sures et certaines.

Croix pattée
Croix pattée comme elle se voit un peu partout dans le Vexin
JF Doucet

Dans ces conditions cependant, quelques uns ont bien vu l’absurdité d’une valse des denrées entre tous les pays. Ce qui était un coup de mains au voisin par temps de disette devenait un gâchis sans frontière. Rester très terre-à-terre devenait de ce fait très urgent. Désormais, le froment serait produit à partir de blé Apache cultivé localement. Il serait acheminé non loin de là pour être moulu à Char. Pour le vendre dans le Vexin, il serait marqué [2] de la croix pattée balisant la région depuis des temps immémoriaux.

Croix pattée sur des pâton de pain du Vexin
Les boulangers ont scarifié d’une croix pattée les pâtons du pain du patrimoine dans le four de l’Hermitage
JF Doucet
Enfournement
Les pâtons sont disposés sur la sole en fonction de la répartition des températures sous la voûte (Crédits JFD)
Pain du Vexin à croix pattée
Du pain produit à partir de froment cultivé dans le Vexin, moulu non loin de là à Char et cuit au Château de Villarceaux
JF Doucet

De leur côté, les autorités de la région ne pouvaient que soutenir la filière initiée par les Talmeliers : dès 2005, elles donnaient leur bénédiction au pain du Vexin. Une fois lancé, son succès fut de courte durée : après 5 ans d’existence, la filière cessait le 30 juillet 2010. Il ne se vendait pas assez vite et devait être stocké à grand frais trop longtemps.
Le pain du Vexin, dans ces conditions, ne pouvaient pas rivaliser avec la baguette très ordinaire. Le blé venait d’on ne sait où, cultivé à grand renfort d’intrants
 [3]
pour des rendements très lucratifs. Mais à l’époque du pain du Vexin [4], la monoculture intensive laissait la nature dans un bel l’état ! Transport du blé, mouture de la farine, cuisson de la baguette coûtaient forcément moins qu’une bouchée de pain. Du coup, le pain du Vexin devenait hors de prix en comparaison. Le nerf de la guerre avait eu raison d’un savoir-faire patrimonial

Le patrimoine était durable mais méconnu

L’argent par lui-même était également responsable d’une méconnaissance : un grande partie du passé du quartier se tapit sous-terre.

Hameau de l’Hermitage
Cadastre napoléonien - 1815 Section B (extrait).

Les carrières [5] une fois inexploitées ne donnent, par conséquent, plus de signes de richesses extérieures. Pour les gestionnaires du bien commun, les carriers ou tailleurs de pierres sont de peu d’intérêt. Il n’ont laissé d’eux que la trace de leurs outils à défaut de savoir nous écrire. Pierres de taille ou remblais sont partis ailleurs.

Echelle géologique
Les roches et leurs fossiles de l’Hermitage et du Chou datent d’environ 40 millions d’années (juste après l’apparition des primates et bien après la disparition des dinosaures)

Ils ont laissé à découvert 40 millions d’années d’allers et venus de la mer lutécienne. A fleur de roche, les fossiles de turritelles sont très banales dans tout le bassin parisien. Ils auraient pu cependant convaincre ceux qui doutaient encore du changement climatique que notre quartier n’a pas toujours été semblable à celui d’aujourd’hui. Il y a bien longtemps, la mer lutécienne le recouvrait sous un climat tropical.

Quand la mer tropicale recouvrait l’Hermitage et le Chou
Etendue de la mer lutécienne tropicale

De nos jours, les nombreux automobilistes même perclus de canicules à répétition ne ralentissent pas au passage du "Goulet". Ils pourraient pourtant y voir les turritelles ou des coquillages de l’époque.

Calcaire coquillier
Au passage du "Goulet " ( rue A. Le Moine), les fossiles du calcaire coquillier du lutécien sont bien visibles
JF Doucet
Turitella terebellata
Des coquillages voisins de ceux de l’Hermitage se trouvent à Gisors

Le savoir-faire durable a été oublié

Non loin de là, des traces d’activités humaines plus récentes sont bien visibles. Pour permettre aux charrettes de monter dans le Haut de l’Hermitage, le percement de 1876 [6]a baissé la déclivité du raidillon qui menait au Bois Païen.

Traces de lance de carrier
Sur la paroi du "Goulet", des traces de lance de carrier sont visibles. Elles indiquent la position des carriers au travail
JF Doucet

Du coup, la carrière qui se trouvait à côté s’est vue abaissée également. Elle porte les traces d’un autre savoir-faire aujourd’hui disparu : celui des tailleurs de pierre travaillant avec les carriers. Leur technique d’extraction de la pierre -quand cette dernière était de meilleure qualité que le simple remblai - ne nécessitait pas d’autre énergie que la force musculaire humaine. [7]

Technique ancienne d’extraction de la pierre
A l’aide de leviers et d’outils spécifiques aux carriers et aux tailleurs de pierre, les carrières de l’Hermitage et du Chou ont été exploitées avant de devenir entrepôt ou champignonnière
JF Doucet
Outils de carriers
Trace de défermage d’un bloc
Après le souchevage, les blocs de pierre étaient défermés
JF Doucet
Coins de carriers et de tailleurs de pierre
Des coins sont insérés entre les blocs
JF Doucet

De ce fait, leur activité a duré des siècles livrant localement les pierres à moins de 30 km.

Travail manuel de la roche
Sans autre apport d’énergie que celle de la force humaine, les cavités ont pu être aménagée
JF Doucet
Demeure troglodytique des Fonds Saint Antoine
Le site troglodytique aurait été l’habitation du macon du couvent des Mathurins.
JF Doucet
Habitations troglodytiques à l’Hermitage et au Chou
A-F C. B P.
Demeure troglodytique
Parcelle AD-01-158-Etat actuel 2016. L’ancienne demeure troglodytique ne figure pas sur le cadastre napoléonien
JF Doucet
Lcalisation des cavités de la rue A Le Moine
Les cavités de l’Hermitage et du Chou sont localisées dans les couches géologiques de Pontoise
JF Doucet

L’eau, un patrimoine durable parce que sans âge

Le calcaire facile à creuser pour aménager un habitat creusé ne suffit pas à expliquer le peuplement ancien de ce quartier de Pontoise. L’eau nécessaire à la culture avant tout affleurait dans les marais le long de l’Oise et coulait dans la Ravine, son affluent.

Plan d’intendance de 1778
L’Hermitage est traversé par un affluent de l’Oise appelé la Ravine

Sur sa rive, un lavoir était aménagé pour les ménagères du hameau [8]. La consommation quotidienne des fermes était assurée par une série de puits.

C. Pissarro, Un coin de l’Hermitage, Pontoise
Huile sur toile 55 x 65 cm 1878 (PDRS 553), Kunstmuseum, Bâle (Suisse).
Ravine de l’Hermitage
Avant la renaturation, la Ravine affluent de l’Oise (état 2022)
JC Bories

Un savoir-faire millénaire dans une bouchée de pain

Faire connaître ce patrimoine ancestral au grand public exige toute une pédagogie. Heureusement, le four de l’Hermitage est un vestige visible du patrimoine. Un fois monté en température, il offre aux visiteurs du pain cuit à l’ancienne.

Décennies d’expériences
Les passionnés de boulangerie profitent de plusieurs années (voire de plusieur générations) d’expérience de la boulangerie
JF Doucet

Cette année, bénévoles et boulangers ont mis la main à la pâte pour satisfaire un large public [9]

Refente des billots
Pour les chauffes intermédiaires, les billots sont refendus en bûche de plus petites tailles
JF Doucet
Conseils à suivre
Giovanni et Benjamin recoivent les conseils de M. Doisneau
JF Doucet
Allumage des bûches
La combustion du bois est toujours un moment crucial dans la montée en température du four
JF Doucet
Le tirage amorce la combustion
JF Doucet
Tirage dans le four
La cheminée à l’extérieur de la voûte provoque un appel d’air qui attise le feu
JF Doucet
3 apprentis apprennent à maitriser le four
JF Doucet
Nettoyage de la sole
Après chaque chauffe, les cendres sont sorties du four
JF Doucet
Elimination des cendres
JF Doucet
Les officiels du pain du patrimoine
M. Gauthier F (Fédération de la Boulangerie du Val d’Oise) M. Président de la Fédération Régionale de la Boulangerie-Pâtisserie de l’Ile-de-France, M. Doisneau_M, Secrétaire
JF Doucet
Premiers essais
Les apprentis boulangers se font la main
JF Doucet
Giovanni faconne sa pâte
JF Doucet
Faconnage
Tour de mains pour le faconnage
JF Doucet
Faconnage de la pâte fraîche
JF Doucet
Faconnage
Tour de mains pour le faconnage
JF Doucet
M. Doisneau encadre les nouveaux boulangers
Buet M
Mokhtar enfourne
JF Doucet
Pâton dans le four
JF Doucet
Maniement de la pelle
JF Doucet
Premiers pains du patrimoine
JF Doucet
Mie de pain bien formée
La qualité de la mie dépend du choc thermique des pâtons à l’entrée du four qui fait éclater les bulles de gaz carbonique enfermées dans la pâte fermentée.
JF Doucet
Le pain du patrimoine en dégustation
JF Doucet
Dégustation
JF Doucet
Du miel sur du pain
JF Doucet
Dégustation
JF Doucet
L’habitat troglodytique évoqué près du four
La dégustation de pain ne fait pas oublier le patrimoine durable de l’habitat troglodytique
JF Doucet
Le boulanger et sa boulangère
Comme il est de coutume dans les boulangeries où le boulanger est au fourneau pendant que la boulangère tient la caisse, une bénévole sourit à son apprenti boulanger.
JF Doucet
Braises pour la pizza
Contrairement au pain, la pizza se cuit à four ouvert : les braises de la dernière cuisson sont conservées pour offrir aux bénévoles une pizza conviviale en fin de journée.
JF Doucet
Cuisson de la pizza à feu ouvert
JF Doucet
Première pizza
JF Doucet
Une part de pizza
JF Doucet
Les nouveaux boulangers bénévoles
Buet M
Diagramme de la montée en température (5 jours) du four de l’Hermtage

 [10]

Notes

[1En 1987, le rapport de commission intitulé « Notre Avenir Commun » de Gro Harlem Bruntland pose la définition internationale officielle du « développement durable » et constitue désormais la référence pour les politiques environnementales. Le concept devient prise de conscience universelle et alimente la réflexion et les décisions du Sommet de Rio (1992) puis du protocole de Kyoto (1997)

[2Cette opération est appelée en boulangerie la scarification au cours de laquelle le boulanger signe pour ainsi dire son pain à l’aide d’un cuter

[3ils comprennent :

  • les produits fertilisants : engrais et amendements,
  • les produits phytosanitaires, de la famille des pesticides : produits utilisés pour l’éradication des parasites des cultures.
  • les activateurs ou retardateurs de croissance,
  • les semences et plants.

[4avant le Grenelle de l’environnement de l’automne 2007

[5Les cavités ne figurent pas sur le plan napoléonien

[7Un être humain au travail selon Jean-marc Jancovici consomme de l’ordre de 4 à 5 kWh par jour, et restitue 0,05 (voire moins) à 0,5 kWh d’énergie mécanique sur la même période.

[8voir sur le tableau ci-dessous le toit à droite du tableau

[9Un peu plus de 400 visiteurs ont dégusté le pain le samedi 17 et le dimanche 18 septembre.

[10Remerciements

Bénévoles :
Albanese Louis et Marie
Albanese Romain
Buet, Madeleine
Dahlgren, Bo
Doucet Fabrice
Doucet Philippe
Doucet jean-francois
Doucet-Dahlgren, Anne-marie
Lazzarini Giovanni
Lhour, Yvon
Puech, Benjamin

Boulangers :
Doisneau, Michel
Raounak, Mokhtar

Services culturels :
Callandreau, Anne-Francoise
Matisse

Boulangerie Isra

  • 2 bacs de pâte à pain
  • 1 bac de pâte à pizza

Informatique
Susinthiran Sithamparanathan

Que tous ceux et celles qui ont participé à la réussite de cette événement soient ici remercié(e)s.

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