Des lieux-dits désignés par les gens du coin
Dans un hameau de tradition orale, les noms de lieux, faisant l’objet d’un consensus "entre les gens du coin "se transmettent de bouche à oreille de générations en générations avec une constance remarquable.Très souvent, La main-mise tardive des communes sur la désignation des lieux, enregistre seulement l’usage plus ou moins fluctuant des noms de lieux-dits.
Ainsi le cadastre napoléonien (1813-1816) enregistre des noms comme " Derrière le bois " qui désigne exactement les parcelles se trouvant derrière un petit bois situé au lieu-dit "Les Têtes."
En 1876, le percement d’une rue permet de vaincre l’isolement du quartier de l’Hermitage. Naturellement, cette partie de l’Hermitage situé sur la hauteur s’appelle : rue du Haut de l’Hermitage ou rue Haute de l’Hermitage prolongement naturel de l’ancien Chemin du Haut de l’Hermitage.
C’est le nom qui est resté de nos jours à la place qui terminait, il n’y a pas si longtemps, la rue du haut-de-l’Hermitage. On remarquera, un peu en dessous de la rue qui ouvre l’Hermitage au monde extérieur, le nom " Sente d’Auvers" qui mérite un peu d’attention. Un dessin de C. Pissarro la représente :
C’est une sente comme il en existe dans tout l’Hermitage. Son nom est descriptif : c’est la Sente qui mène à Auvers figurant sur le cadastre napoléonien sous la désignation encore plus explicite : le "Chemin de l’Hermitage à Auvers".
Il mérite une attention particulière dans la mesure où "la Sente d’Auvers " a perduré oralement jusqu’au XXème siècle.
Dans un entretien M. R Perrin raconte qu’il a habité Auvers de 1968 à 1972 et que lorsqu’il est revenu habiter l’Hermitage la "sente d’Auvers" était devenue "Chemin du Chou". Mais les habitants du quartier ont continué a appeler le Chemin de l’Hermitage à Auvers, la "Sente d’Auvers" qui donne sur le quartier du Chou :
Sans plaque, jusqu’à une époque récente, ce " Chemin du Chou ", véritable emblème de la tradition orale porte d’autres noms dans les actes notariés, : le passage à l’écrit lors d’héritage ou de renouvellement de bail ne suit pas nécessairement les noms figurant sur les plans cadastraux. Ainsi, le "Chemin du Chou" [1]
au moins sa partie la plus proche du hameau de l’Hermitage, s’est appelé "Sente des voiriers " ce qui correspond sans doute aux poiriers peints par C. Pissarro sur le tableau : "Le Jardin de Maubuisson, poiriers en fleurs". Ainsi dans le titre nouvel de 1850 [2] figure la description de la Maison du four à pain :
"ont vendu à titre de bail à rente à ces derniers une maison située à Pontoise quartier de l’Ermitage, lieu le chateau Verger ayant une entrée sur la sente des voiriers et une sortie sur le chemin du Château Verger ; composée d’une maison D’habitation, chambre et grenier dessus, grange à côté couverte en chaume, cellier, étable à vaches, étable à porcs le tout taillé dans le roc, cour & petit jardin clos de murs, tenant par devant la sente, par en haut le chemin, d’un côté Vincent Maitre, d’autre côté Denis Dubray."
On remarquera les précautions tant des signataires que des notaires qui précisent les noms des voisins de la propriété pour réduire les risques de confusion liés à la variation des noms de lieux. Cette sente des voiriers correspond à la rue de la Poudrière du plan de masse de 1944 :
rue de la Poudrière, dont on retrouve la trace dans les arrêtés municipaux :
Le mystère de la Sente d’Auvers
Ce document apporte la lumière sur "le mystère de la Sente d’Auvers" ! Le Chemin du Chou faisait suite à la rue de la Poudrière et se trouvait, au dire de M. R Perrin [3] en réalité entre la Sente des Lézards et la Sente d’Auvers. L’entreprise chargée de poser la plaque venue de Limoges ignorait totalement la configuration des Sentes de l’Hermitage : elle aurait alors passé sous silence la rue de la Poudrière en posant la plaque " Chemin du Chou " près de la rue A. Le Moine. Le Chemin du Chou se trouvait alors prolongé d’autant ! Une rencontre ultérieure en octobre 2012 avec M. R Perrin a révélé que le changement de nom se serait produit lorsqu’il est allé habiter Auvers à partir de 1968. Lorsqu’il est revenu habiter l’Hermitage 4 ans plus tard, la Sente d’Auvers avait été rebaptisée "Chemin du Chou".
La commune de Pontoise honore ses morts
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’Hermitage échappait à la main mise des communes sur les noms de lieux. La voirie du quartier était désignée par des noms le plus souvent descriptifs. Mais après 1945, [4] Pontoise devait honorer ses morts en leur attribuant un nom de rue. Dans cette vague de désignations d’après-guerre, la rue du Haut-de-l’Hermitage fut rebaptisée " rue A. Le Moine "
[5] Ces noms ne sont plus décidés par l’usage des riverains mais par arrêtés municipaux qui le plus souvent enregistrent les propositions des associations.
Pourtant, à ce jour, l’arrêté municipal désignant la rue de la Poudrière par "le Chemin du Chou" n’a pas été retrouvé. La plaque posée par erreur en a décidé autrement !