La maison du four à pain
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Journées Européennes du Patrimoine 2019

samedi 5 octobre 2019, par Jean-francois Doucet

Art et divertissement

Réflexion faite au niveau national

Des modèles en plein air
Le Marché à la volaille, Pontoise (C Pissarro - PDRS 682)
C. Pissarro.- Le Marché à la volaille, Pontoise
Huile sur toile, 81 x 65 cm, 1882 (PDRS 682), Norton Museum, Pasadena (Californie).

Le ministère ne pouvait pas éviter un jour ou l’autre de désigner l’art pour réfléchir. Il ne pouvait pas non plus arriver les mains vides comme un cheveu sur nos plates-bandes : un concept haut de gamme devait divertir la galerie du haut de l’échelle. Pour satisfaire les autorités, heureusement, le quartier a des artistes sur qui compter. Comme eux, aucun des termes proposés n’est natif de la France-d’en-bas. A maintes et maintes reprises pourtant, il a été illustré sous toutes les coutures. La lumière des cieux de l’Ile-de-France a fait grimper les peintres aux rideaux dans le ciel. Cette impression était suffisante pour leur faire oublier leurs loyers à payer. Habitant la misère, ils n’atteignaient pas la cheville des très grands monuments historiques. Leurs modèles, eux, étaient des précaires sans salaire horaire pour poser en plein air.
Sommés par le haut de traiter le quartier par le bas, les pieds restent sur terre forcément. Pour se faire, il suffit de traduire les arts en la manière. Vus sous cet angle, les arts [1] s’entendent comme savoir-faire, tours de main ou techniques. Malheureusement, personne ne peut les apercevoir en peinture. Au mieux, ils perdurent dans l’air par le bouche à oreille. Ils collent au terrain sans apparaître sur la carte. Pratiques, ils n’ont pas besoin de théories. Ils se passent de tous commentaires tendant à les dénaturer. C’est pourtant leur seule chance d’être transmis. Sinon, ils planent dans l’air comme sur une tombe : vestiges, ils deviennent immatériels un peu partout.

C. Pissarro.-Les Seigles, côte des Gratte-Coqs, Pontoise
Huile sur toile, 60 x 73 cm, 1877 (PDRS 523), Prefectural Museum of Art, Shizuoka (Japon).

Le tableau ne peut pas tout raconter du pourquoi et du comment des champs de seigle : la toile ne peut pas indiquer que les tiges sont plus longues et plus souples que celles du blé. De plus, empiriquement, le seigle pousse très bien sur le terrain pauvre de la côte des Gratte-coqs. Est-ce que le peintre en avait entendu parlé quand il a planté son chevalet ? Dans le quartier, chacun sait la très grande utilité du seigle. Ses chaumes, tirebouchonnées en liens, livrent les légumes en bottes très régulières. Comptées en fin de journée, à chaque botte son lien, elles restituent au tacheron son salaire journalier.
En a-t-il été de mème pour le four sauvé de la démolition ? Une fois restauré, il a beau être comme neuf, il garde un secret de fabrication du pain d’autrefois.

Du bois de chauffe
Avant la montée en température, le bois fourni par la mairie arrive par camion.
JF Doucet
Les bénévoles à pied d’oeuvre
Tôt le samedi matin, les bénévoles montent le matériel
JF Doucet
Meuble parisien
Les Talemeliers un meuble parisien où remiser les pâtons avant cuisson
JF Doucet
Meuble de refrigération
Les Talemeliers installent leur meuble de réfrigération. L’électricité est fournie par une voisine
JF Doucet

Pour savoir comment faire il y a 2 siècles, l’art de s’en servir a besoin d’une reconstitution aussi. Pour cette raison, 3 jours de bûches l’ont déjà monté en température quand, le samedi matin, la pâte arrive fraîche de la nuit. Ensuite tout se déroule comme à l’accoutumée.

La pâte fraîche de la nuit
La pâte fraîche de la nuit arrive le samedi matin
JF Doucet
Les visiteuses mettent la main à la pâte
Les visiteu(ses)rs sont invités à faconner leur pâton
JF Doucet
Avant scarification
Les pâtons, disposés sur une planchette sont enfarinés avant scarification
JF Doucet
Travail de la croûte
Un cutter permet de scarifier le pâton et un pinceau humidifié donne à la croûte sa texture.
JF Doucet
Scarification
JF Doucet

Une fois son humidité évacuée, il retrouve son activité. Les boulangers s’y affairent. Ils savent lire les thermostats de leurs fournils et calculer la chaleur accumulée. Leurs fours intelligents d’aujourd’hui assurent continuité et qualité de leur pain. Mais mis au pied du four de l’Hermitage, leur savoir-faire leur évite de tâtonner trop longtemps. Naturellement, au fil des années ils ont appris ses particularités. De son côté, le four leur demande de s’adapter. Sans recul à offrir aux boulangers, il les a obligé à couper le manche d’une grande pelle moderne. De cette façon, ils enfournent sans trop de difficultés.

Scarification des pâtons
Avant enfournement les pâtons sont scarifiés pour que la cuisson donne forme à la croûte
JF Doucet
Scarification
Chaque boulanger scarifie à sa manière
JF Doucet

Un plan dessiné du doigt dans la farine place judicieusement les pâtons sur la sole. Déjà, la restauration du four a introduit un matériau moderne dans le tuilage ancien. Dans ces conditions, la sole chauffe relativement mieux que la voûte. C’est dire que les pâtons ont tendance à être trop cuits en dessous et pas assez au dessus. Pour y remédier, les boulangers rivalisent d’astuces de métier. Ils jouent sur la place des pâtons dans le four pour trouver le juste milieu. Un coup de pinceau humide sur la croûte, améliore encore l’aspect doré du pain si recherché. [2]

Place des pâtons sur la sole du four
Un boulanger indique de son doigt dans la farine la place à donner aux pâtons pour une répartition égale de la chaleur lors de la cuisson
JF Doucet
Placement des pâtons sur la sole
Le four de l’Hermitage cuisant sans thermostat, c’est l’habileté du boulanger à placer les pâtons sur la sole qui assure une répartition uniforme de la chaleur sur la pâte.
JF Doucet
Division de la surface de cuisson
Pour placer les pâtons, la sole est divisée en deux
JF Doucet
Ordre de placement des pâtons
Pour une cuisson satisfaisant, les pâtons doivent être placés sur la sole dans un certain ordre
JF Doucet
Remplissage ordonné du four
Les transferts de chaleur sont quasiment uniformes sur toute la surface de la sole.
JF Doucet
Braises sur la sole
Les braises laisseront la place chaude aux pâtons sur la sole
JF Doucet
L’enfournement : un tour de main
La pelle, d’un tour de main du boulanger, dépose le pâton sur la sole à la place convenable pour sa cuisson
JF Doucet
Ordre de placement des pâtons
La place des pâtons sur la sole détermine la qualité du pain cuit
JF Doucet
Deux talemeliers se relaient
Les deux Michel font équipe pour la cuisson du pain du patrimoine
JF Doucet
Mesure du temps de cuisson
Le temps de cuisson après la fermeture du four est mesuré avec précision
JF Doucet
Consistance de la mie
Pour obtenir une mie aérée, le choc thermique après enfournement doit être assez violent pour faire éclater les bulles de gaz nichées dans la pâte par fermentation. Après cuisson, le pain est dégusté pour modification des paramètres de fabrication.
JF Doucet
Pain du patrimoine
Adapté aux dimensions et aux caractéristiques du four de l’Hermitage, le pain du patrimoine est cuit une fois l’an.
JF Doucet
Un pâtissier au fourneau
C. Pissarro.- Eugène Murer à son four 1877
Manger son pain blanc ou noir ?
Au cours des siècles, les attributs du pain ont changé : autrefois réservé à une élite, le pain blanc est maintenant supplanté par le pain complet ( noir) pour ses qualités diététiques.
JF Doucet
Pain complet
Le four de l’Hermitage a sans doute cuit de nombreuses boules de pain complet au cours des siècles.
JF Doucet
Une baguette à côté du pain du patrimoine
JF Doucet
Une baguette fait "maison"
Un bénévole essaie de cuire une baguette dans le four de l’Hermitage
JF Doucet
Le pain au goût du jour
Deux baguettes cuites dans le four par un bénévole. Au contraire des pains d’autrefois cuits pour être conservés plusieurs jours, les pains modernes comme la baguette ne se conservent que quelques heures.
JF Doucet
Dégustation de pain
Le pain cuit au four est offert à la dégustation
JF Doucet
Boulangers et bénévoles
L’équipe de boulangers intègre aisément les bénévoles pour cuire le pain du patrimoine et la pizza de fin de manifestation
JF Doucet
Accrochage de l’exposition F. Dassé
Tout le monde peut pendre des panneaux à des grilles
JF Doucet
Exposition de Fanette
Fanette About, habitant non loin du Chemin du Chou, la Maison Rouge expose ses vues sur son quartier
JF Doucet
Exposition Doucet
Les 12 toiles où figurent la maison abritant autrefois le four de l’Hermitage sont exposées pour le localiser précisément.
JF Doucet
Un enfant devant sa maison exposée
Derrière l’enfant, la carte postale de gauche représente la maison de ses grands parents
JF Doucet
Du ginglet dans la brouette
D’anciennes bouteilles et du Ginglet (blanc et rouge) dans la brouette de M. Delaforge décédé il y a quelques années.
JF Doucet
Cherchez l’erreur
Les anciennes du quartier cherchent l’erreur sur le plan de 1876 dans la localisation du four de l’Hermitage, Elles connaissent assurément les 12 toiles de C. Pissarro, P. Cézanne et G. Loiseau
JF Doucet
Le modèle pose devant son portrait
Deux fragments du storyboard réalisé en 2016 par N. Blin ont été prétés par M. Bouresche le modèle de l’un d’entre eux.
JF Doucet

Localisation de la maison aujourd hui disparue

Pour satisfaire le goût du public pour les oeuvres parfaitement localisées, les reproductions de toiles sont exposées au public. Les visiteurs peuvent se rendre compte de l’endroit où sont représentées les deux maisons dont l’une abritait le four de l’Herimitage Le four lui-même se figure sur une toile de G. Loiseau.

Les 2 maisons aujourd’hui disparues
G. Loiseau. Pruniers en automne, l’Hermitage, Pontoise vers 1920, huile sur toile 50 x 61 cm
Localisation du four de l’Hermitage
M. Clair et Valadon, boulangers de la confrérie des Talemeliers localise le four de l’Hermitage sur les toiles de C. Pissarro, P. Cézanne et G. Loiseau
JF Doucet
Le four de l’Hermitage dans une maison aujourd’hui disparue
C. Pissarro, Les Jardins de l’Hermitage, Pontoise, 1867, Huile sur toile, 100 x 81 cm Narodni Galeri Prague
Le four de l’Hermitage dans une maison aujourd’hui disparue
P. Cézanne, L’Hermitage à Pontoise (V 176 R 484) 46,5x56 cm 1881 Wuppertal, Von der Heydt Museum , don Julius Schmits, 1912.
La maison qui abritait le four de l’Hermitage
G. Loiseau Rue de Village, 1924-25 Huile sur toile
19.75 x 24.25 in / 50 x 61.5 cm Collection Privée

Les œuvres artistiques sont, à proprement parler, des éléments étrangers au paysage d’origine. Elles s’implantent dans les travaux des champs ordinaires. Elles n’enlèvent rien de la bouche des gens du quartier. Les toiles se laissent faire un peu comme un agrément de surcroît ! Deux mondes vivent, sans affrontement, côte à côte. Les uns se font peindre grandeur nature, les autres ont bien d’autres chats à fouetter : ils gardent leurs propres idées pour assurer la matérielle. Ils perdent rarement leur temps à conserver leurs impressions.

La pyramide des besoins d’A. Maslow
Les habitants de l’Hermitage ne satisfont que leurs besoins physiologiques (nourriture, habit, logement). Le besoin de représenter son environnement sous forme d’expression artistique (réalisation de soi) ne peut être satisfait, selon A. Maslow, que si tous les besoins de niveau inférieur sont satisfaits.

Un américain [3], avec le recul, a formulé la raison de ce décalage pas très horaire. Comme ses compatriotes sauvant les toiles du déshonneur français, il excuse l’absence d’œuvres réellement populaires. Occupés tout le temps à couvrir ses besoins très primaires, les petites-gens n’ont, au mieux, que le temps de graver dans la pierre leurs graffitis.

Art populaire
Graffiti trouvé dans le passage vers la parcelle AD-01-252 rue A Le Moine
JF Doucet

D’autres [4] prennent plus de temps pour fixer leur perception sur la toile.

Le pont des ivrognes à l’Hermitage
Le pont, détruit en 1881 a été peint par Valls, François Antoine Émile, Musée de Pontoise.
Une représentation simple
Quelques toiles d’un style naïf échappent à l’Impressionnisme

Mis à part ces pâles imitations de représentations d’ailleurs, le quartier connaît des expressions véritablement populaires. En premier lieu, les chansons [5] dont texte et musique sont distribués sur les marchés pour chanter en choeur des ritournelles à la mode.

Le temps des cerises
Des notes pour ceux et celles qui savaient lire distribuées sur les marchés pour les apprendre par coeur
Des notes pour ceux et celles qui savaient lire

Des chansons à boire également dans un quartier à forte production vinicole sont chantées dans les banquets, noces ou assemblées villageoises.

Loin des pratiques quotidiennes couvrant les besoins élémentaires, l’art rejoint le divertissement.

Assis [6] ou debout, l’on chante, l’on cause et l’on médite plus gaîment les proverbes qui viennent aux lèvres des sages, en choquant le verre :

A bon vin il ne faut pas d’enseigne (excepté -au puits sans vin).-

Quand le vin est tiré, il faut le boire.
Vin versé n’est pas avalé.
Un verre de vin avise bien un homme.
On ne connaît pas le vin aux cercles.
Vin trouble ne brise pas les dents.
Nul vin sans lie, même le meilleur.
Vin de grain est plus doux que n’est vin de presse.
Vin rafraîchi porte son eau.
Vin vieux, amis vieux, livres vieux

Les bals également sont l’occasion d’activités festives où garçons et filles se rencontrent.

P. Cézanne devient E. Béliard
Cette toile est maintenant attribuée à E. Béliard
La fête à l’Hermitage
C Pissarro.-La Fête à L’Hermitage, Pontoise, les boutiques - (PDRS 559)
Huile sur toile, 46 x 55 cm, 1878 (PDRS 559), Courtauld Institute Gallerie, Londres.
La fête à l’Hermitage
La Fête à l’Hermitage, Pontoise (L Piette) - Huile sur panneau, 38 x 27 cm, 1876, musée Pissarro, Pontoise.
La Maison rose de l’Ile du Pothuis : une guinguette
L. Piette. Fête du boulevard des Petits Fossés à Pontoise Huile sur toile, 82 x 125 cm, 1877, musée Pissarro, Pontoise.

 [7]

Notes

[1au sens du mot "Arts" du nom " Arts et métiers" d’une grande école d’ingénieurs ou d’ "Arts et Traditions populaires "

[290 pains de 250 g ont été cuits pendant les 2 Journées Européennes du Patrimoine.

[3A. Maslow

[4Que les participants à la causerie du lundi 16 sept à la Maison du Four à pain soient ici remerciés pour les précisions sur ce point

[5Dans un article paru dans l’Avenir de l’Ile-de-France le 31 juillet 1950 les activités musicales d’une chorale sont également mentionnées .

[6A. d’Hastrel, L’Echo pontoisien du 5 octobre 1865

[7

Remerciements

Bénévoles

Albanese M (pizza) et L (chauffage),

Dahlgren B (logistique),

Doucet JF,

Doucet Ph,

Doucet-Dahlgren, AM

Hérin C (et sa maman),

Lhour, Y

Lhour, H (6 repas du dimanche 22 sept)

Roberto, Ch

Mme Lambert, C (autorisation d’utiliser le mur de sa propriété et 3 repas le samedi 21 sept).

Boulangers

Doisneau, M. 

Valadon, J.

Foubert, M. 

Michel,

Organisations :

Service Culturel de la Mairie de Pontoise : Callandreau, AF.

Service Technique de la Mairie de Pontoise : env. 1 stère de bois

Office de Tourisme : Sylvianne Lefevre, conférencière.

Talmeliers de l’Ile-de-France .

La Maison du four à pain : Causerie du 16 sept sur le thème " Art et Divertissement"

Expositions
About F. " L’Hermitage" un jeu d’enfant.
Blin, N. 2 fragments "Parcours sensible à l’ombre de C. Pissarro"
Dassé F. "Le passé troglodytique de l’Hermitage".
Doucet, JF Localisation du four de l’Hermitage sur les toiles de C. Pissarro, P. Cézanne et G, Loiseau.

Commerces

Ets Arson, (place du Grand Martroy) la pâte du samedi et du dimanche.

Officiels

Seimbille, G. Maire-Adjoint de Pontoise.

Informatique
Susinthiran Sithamparanathan
Remerciements à plusieurs centaines de visiteurs qui ont fait le succès de cette manifestation.

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